Auteur : BOHAS Georges
Le premier objectif de l’auteur est de montrer que depuis Nöldeke et Duval les linguistes et grammairiens se sont fourvoyés dans le traitement de la spirantisation des bgdkpt en syriaque. Les uns ont tenté de résoudre le problème en injectant dans les représentations sous-jacentes des voyelles empruntées aux langues voisines (/ketâbâ/>ktâbâ), d’autres ont implanté en syriaque le shewa de l’hébreu (ex. bəgherô). Dans les deux cas, il est facile de mettre en échec ces traitements et de montrer qu’ils doivent être remplacés par une grille de spirantisation de construction très simple qui opère « en surface », sans recourir à ces artifices.
Le deuxième serait d’attirer l’attention sur l’intérêt de la tradition grammaticale syriaque pour l’histoire des théories linguistiques.
Le troisième consiste à mettre en cause le traitement de la phonologie syriaque dans la perspective abstraite inspirée par les œuvres des grammairiens arabes afin de le remplacer par une organisation fondée sur les radicaux, seules formes réelles de la langue, dans la perspective des grammairiens syriaques.
Il s’agit bien là de propositions pour une refondation !
Georges Bohas, arabisant, a commencé l’étude du syriaque en suivant les cours du Pr Guillaumont à Paris, puis il a approfondi ses connaissances auprès de divers ecclésiastiques qui maitrisaient toujours cette langue, comme Mgr Gigawi à Damas et Mgr Bahnan Hindo pour la version occidentale à Hassaké, Mgr Petros Youssif pour la version orientale chaldéenne et Giwargis Athniel pour la version orientale assyrienne. Il s’est également perfectionné auprès du père Graffin à Paris et de Mgr Feghali au Liban. Il enseigne chaque année le syriaque à l’Université d’été en langues de l’Orient organisée par l’université de Lausanne à Venise (San Servolo).
Auteur : BOHAS Georges
Dans Itinéraire d’un arabisant Georges Bohas avait retracé de manière distanciée l’essentiel de son parcours scientifique, isolément du monde dans lequel il s’inscrivait. Puis, à l’instar de Renan, il a commencé à rédiger ses « souvenirs d’enfance et de jeunesse ». Origines familiales, naissance dans une famille de petits paysans de la Bresse, études secondaires à Trévoux puis à Issoudun, ensuite à l’université de Strasbourg, découverte du monde arabe à l’occasion de son service militaire (comme coopérant au Liban), toutes ces étapes étaient là mais hors du contexte social et intellectuel du monde universitaire des arabisants. Il s’agit, dans le présent ouvrage, de restituer cet environnement en inscrivant la subjectivité constructive de l’auteur et d’esquisser les contours ainsi que l’évolution du monde des arabisants français de 1973, date de son agrégation d’arabe, jusqu’à l’arrêté du 3 août 2007, date de sa nomination à l’Institut universitaire de France.
« Bond en avant » « ascenseur social » ou corde à nœuds ? Le lecteur en décidera.
Georges Bohas, a été directeur de l’Institut français d’études arabes de Damas, (IFÉAD), il est membre senior honoraire de l’Institut universitaire de France (IUF), membre correspondant de l’Académie de langue arabe de Damas et actuellement professeur émérite à l’ENS de Lyon et chercheur dans l’UMR 5191 ICAR du CNRS.
Auteur : BOHAS Georges
Pourquoi une traduction du Mufaṣṣal d’al-Zamaḫšarī ? Parce que ce livre « connut une vogue considérable dans l’Orient musulman jusqu’à la fin du xiiie siècle » et il exerça une influence « très importante en Orient arabe et dans le monde iranophone, notamment à travers les commentaires d’Ibn Yaʿīš et d’Ibn al-Ḥājib ainsi que la Kāfiya de ce dernier. L’ouvrage peut être considéré comme la source principale des grands traités classiques. » En outre, al-Zamaḫšarī ne fut pas seulement un grammairien, mais il est également l’auteur d’un véritable thésaurus de la langue arabe intitulé ’Asās al-Balāġa, « La fondation de la rhétorique », et surtout, en tant que théologien, il a composé l’un des plus célèbres commentaires du Coran : al-Kaššāf ʿan ḥaqā’iq al-Tanzīl, « Le livre qui dévoile les vérités de la Révélation ». Enfin, dans le domaine de la littérature il a également brillé par ses Maqāmāt « Sessions ».
Pourquoi une traduction commentée ? Le livre vise à une présentation d’ensemble de la grammaire sous la forme d’un compendium ; du reste, il désigne lui-même son ouvrage comme une introduction. Même pour le public arabe averti une explicitation détaillée est nécessaire : celle d’Ibn Yaʿīš s’étend sur dix volumes dans l’édition du Caire. À plus forte raison le commentaire est indispensable pour le public francophone auquel on s’adresse ici. Le commentaire est intégré à la traduction − en italique et en plus petits caractères pour éviter toute confusion − un peu à la manière des commentateurs arabes médiévaux.
Georges Bohas, du laboratoire ICAR (UMR 5191 CNRS • ENS de Lyon), professeur émérite à l’ENS de Lyon, est membre de l’académie de langue arabe de Damas. Il a publié de nombreux livres et articles sur l’œuvre des grammairiens arabes. Il s’est aussi tourné plus récemment vers les aspects formels du texte coranique, à propos desquels il a publié, en 2021, Les stratégies métriques dans le Coran.
Mustafa Alloush, maître de langue à l’Université Lumière-Lyon 2 et docteur en études arabes, est membre du laboratoire ICAR (UMR 5191 CNRS • ENS de Lyon). Il a publié dans les domaines de la littérature, la civilisation et la linguistique arabe, particulièrement, en 2020, La place des interjections et des onomatopées dans le lexique de l’arabe. Il s’est aussi intéressé à la sociolinguistique dans son livre Al-Taṭawwur al-dilālī fī l-luġa al-ʿarabiyya, (Le changement sémantique dans la langue arabe) (2021) et à l’arabe moyen en éditant et traduisant des manuscrits subsahariens publiés dans Écrire la guerre au Fouta-Djalon (2022).
Auteur : BOHAS Georges
Bien que le Coran manifeste de l’hostilité envers les poètes (Les Poètes, 26, 224-226 : Ne vois-tu pas qu’en chaque vallée ils divaguent et disent ce qu’ils ne font point), cette hostilité concerne le « fond » et non la « forme » et une échappatoire est offerte aux poètes qui se rallient à la foi : (Les Poètes, 26, 227) Exception faite de ceux qui ont cru, ont accompli des œuvres pies, ont beaucoup invoqué Allāh et qui bénéficient de notre aide après avoir été traités injustement. En réalité, le Coran et la poésie arabe recourent à la même combinatoire métrique, la poésie en faisant un usage contraint et le Coran un usage libre, les deux recourant à des stratégies différentes.
Dans le Coran, la première de ces stratégies, intitulée « Le panachage métrique » est une technique commune à la poésie libre moderne et au Coran, laquelle consiste à mélanger librement des pieds pairs et impairs alors que dans la poésie ancienne ce mélange est strictement contrôlé.
La deuxième est intitulée « Le patchwork métrique ». Il s’agit de procéder à un assemblage de figures métriques disparates, incluant pêle-mêle des mètres à watid initial, médian ou final. Ces figures peuvent correspondre à un hémistiche de vers classique ou inclure un pied ou deux de plus dans les limites d’un verset.
La troisième intitulée « L’enchevêtrement métrique » est un phénomène analogue, mais dans sa version libre, les tronçons métriques pouvant apparaître au début, à la fin ou dans le cours des versets, la disposition en versets masquant une métrique largement régulière. Quelques artifices comme les syllabes orphelines initiales, médianes et finales, contribuent à occulter ces structures métriques et à les lisser pour les faire passer pour de la prose, mais elles ne sauraient échapper au regard du lecteur perspicace familiarisé avec la métrique de la poésie arabe. Ainsi, l’étude métrique purement formelle, met en évidence la relation entre poésie préislamique, Coran et poésie moderne, dévoilant un des secrets de la composition de ce livre.
Georges Bohas, membre correspondant de l’académie de langue arabe de Damas, a soutenu en 1975 une thèse en linguistique sur la métrique de la poésie arabe classique et moderne. Ses travaux ont radicalement simplifié et rénové l’étude et l’enseignement de cette science. En 2007 il a publié un article sur la métrique de la sourate al-Raḥmān et depuis il n’a cessé d’approfondir la relation entre la métrique arabe et le Coran. Une contribution importante est déjà parue dans l’ouvrage qu’il a publié en collaboration avec G. Roquet : Une lecture laïque du Coran (2018).
Auteur : BOHAS Georges
La majorité des arabisants, sémitisants et linguistes adoptent, pour organiser le lexique des langues sémitiques, le concept de « racine », élaboré voici une douzaine de siècles par Sîbawayhi et son « maître » al-Khalîl. Certains sont même allés jusqu’à prendre ce concept pour une réalité innée présente dans le cerveau des locuteurs de ces langues, alors qu’il a été démontré par les travaux antérieurs de l’auteur qu’il échappe totalement à la conscience spontanée des locuteurs natifs. De nombreuses études ont de surcroît prouvé qu’il s’agit d’un concept trop abstrait pour organiser la phonologie et insuffisamment abstrait pour organiser le lexique. L’organisation fondée sur la racine échoue en outre à expliquer les principales caractéristiques de l’arabe : son extraordinaire propension à la synonymie, à l’homonymie et à l’énantiosémie.
Alors pourquoi la majorité des savants s’obstine-telle à demeurer fidèle à ce concept ? La réponse tient au fait qu’elle se fonde sur des théories linguistiques qui, se limitant au niveau des phonèmes et des morphèmes, n’adoptent pas les postulats et cadres conceptuels adéquats, ni la démarche et les unités empiriques pertinentes, et échouent donc à identifier les principales composantes du lexique de l’arabe que masque justement l’organisation fondée sur la racine (tri- ou quadriconsonantique).
Or la recherche évolue, précisément au fil de la découverte des inadéquations des concepts et modèles (ainsi la phonologie structuraliste ne domine-t-elle plus le champ, et a-t-on vu naître la phonologie autosegmentale ou la théorie de l’optimalité...). En matière de linguistique arabe, de même, a émergé à la fin du XXe siècle un paradigme nouveau, désormais vérifié sur de grands corpus, articulé en trois grandes composantes :
La composante matrices/étymons, intrinsèquement motivée. Elle se situe au niveau submorphémique où le trait phonétique est pertinent pour représenter la structuration lexicale. La motivation tient à une corrélation établie entre un invariant notionnel et les particularités articulatoires (décrites sous forme d’une matrice de traits phonétiques non ordonnée) dans lesquelles il se manifeste.
La composante des étymons onomatopéiques. En ce cas la motivation tient à l’onomatopée elle-même, « création de mots par imitation de sons évoquant l’être ou la chose que l’on veut nommer », laquelle repose sur ce que Lafont appelle « l’anamorphose » : « Un système de transfert formel, d’une substance sonore ou inorganisée (un bruit naturel) ou autrement organisée (l’émission animale) à l’organisation phonologique humaine ».
La composante des noms-bases, majoritairement non motivée. Encore que certains noms comme « ʾabun » et « ʾummun » puissent trouver une motivation analogue à celle de « père » et « mère » en français (Jakobson).
Cette organisation tripartite permet de rendre compte du pullulement des synonymes, ainsi que de l’homonymie et de l’énantiosémie, abondamment présentes dans le lexique de l’arabe, alors que la conception traditionnelle qui prend la racine pour un primitif ne peut que se borner au constat.
Georges Bohas, membre correspondant de l’Académie de langue arabe de Damas, est professeur émérite à l’ENS-Lyon. Il a longtemps étudié les théories des grammairiens arabes auxquelles il a consacré sa thèse de Doctorat d’État et un ouvrage, considéré maintenant comme un classique, The Arabic Linguistic Tradition (1990) (en collaboration avec J. P. Guillaume et D. E. Kouloughli).
Auteur : BOHAS Georges, ROQUET Gérard
Peut-on parler de lecture laïque du Coran ou, selon la terminologie d’Adonis, de lecture « areligieuse » ? Cela nous semble possible en nous situant dans la perspective définie par Th. Römer : « Il s’agit d’appliquer à la Bible (ici au Coran) les mêmes méthodes de lecture et de décryptage que pour les récits d’Homère. Je n’ai jamais considéré que la Bible devait être traitée comme un texte à part ». C’est une démarche analogue, et combien fructueuse, qui a été suivie par Finkelstein et Silberman dans La Bible dévoilée.
La première partie du livre est consacrée à des études littéraires. En mobilisant des données empruntées à des sources coptes, hébraïques, syriaques et grecques, elle permet de reformuler et de résoudre plusieurs problèmes d’interprétation, de traduction et de datation.
La seconde partie entreprend d’abord de démontrer que, formellement, le Coran entretient un lien profond avec la poésie préislamique, exactement comme la poésie libre moderne avec la poésie classique. Notre étude établit ainsi une continuité structurelle entre la poésie ancienne et le Coran, qui se voit de ce fait restauré dans un continuum. Ensuite, en mettant en évidence la présence du style formulaire dans le Coran, elle établit un autre lien entre celui-ci et la poésie préislamique dont de nombreuses études ont mis en lumière, depuis longtemps, le caractère formulaire.
Auteur : Collectif, BOHAS Georges, LELOUMA Alfa Mamadou, SAGUER Abderrahim, SALVAING Bernard, SINNO Ahyaf
Textes de Tierno Sadou Dalen, Modi Tahirou Lelouma, Almami Ibrahima Sori Dara et Alfa Gassimou Labe.
Ce volume présente pour la première fois des textes arabes rédigés au Fouta-Djalon, en Guinée, au milieu du xixe siècle. Les manuscrits sont édités en arabe, traduits, et remis dans leur contexte grâce à un important commentaire historique. Sont présentés successivement :
- Deux écrits du grand lettré en arabe Tierno Sadou Dalen (Abū Sa‘īd Sa‘du b. Ibrāhīm b. ‘Abd-Allāh, 1788-1854) portant sur les liens entre pouvoir et religion et rédigés en 1851 ; son poème Conseil aux pasteurs (Nuṣḥ al-ru‘āt) est un « Miroir des princes » rédigé dans la tradition d’ouvrages comme al-Tibr al-masbūk fī naṣīḥat al-mulūk (L'or purifié dans le conseil des rois) d’al-Ġazālī.
- Son texte Pour réconcilier les deux partis se disputant le pouvoir à la tête de l’État (Taḏkira li-iṣlāḥ ḏāt al-bayn min al-fi’atayn al-‘aẓīmatayn) a été rédigé pour mettre fin aux luttes fratricides pour le pouvoir que se livraient deux grandes familles descendant des fondateurs de la Confédération.
- Un poème intitulé « la bataille de Kinši », rédigé en 1860 par le grand lettré et chef, Modi Tahirou (Abū Marwān Ṭāhir) de Lélouma à la suite de la défaite d’une sédition politico-religieuse, la révolte d’Ilyasa.
- Deux lettres rédigées en 1873, adressées par le dirigeant de la Confédération du Fouta-Djalon, l’imām Ibrāhīm Sori Dara, et par le chef de la province de Labé, Alfā al-Gāsimu, aux notabilités du pays. Il s’agissait de les convaincre de lutter contre un mouvement de sédition politico-religieuse, la révolte des Hubbu, déclenchée en 1851 dans une province de la confédération.
Ces textes éclairent d’un jour nouveau les liens entre les lettrés en islam et les détenteurs du pouvoir politique, dans un État islamique fondé en 1727. Ils ont l’immense avantage d’offrir une vision des débats religieux, politiques et sociaux du moment, émanant directement des protagonistes, et sont de nature à renouveler une historiographie fondée jusqu’à présent sur des documents beaucoup plus récents.
Auteur : BOHAS Georges, SAGUER Abderrahim, SINNO Ahyaf
L’exploration des ressources littéraires des manuscrits de Tombouctou nous amène à découvrir ce que l’on n’attendait pas : des textes qui relèvent à la fois du roman historique et de la littérature populaire, à la gloire de l’imam Ali et de son fils al-Husayn. Il s’agit de cinq récits. Le premier vante la science de l’imam. La science est l’un des traits marquants de l’imam que lui reconnaissent aussi les sunnites, se fondant sur parole du prophète : « Je suis la cité de la science, Ali en est la porte ». Les deux suivants se situent dans le contexte des expéditions du Prophète contre l’oasis de Khaybar. Le quatrième croise le récit du sauvetage des épouses du Prophète avec l’histoire d’un orphelin (al-Miqdad) et de ses amours pour la belle Mayyasa que son père lui refuse obstinément. Le cinquième est consacré au martyre de Husayn, fils de Ali. Il s’agit de l’interprétation chiite de l’événement. Elle en rejette la responsabilité sur le calife Yazid et ses agents, tout en blâmant les chiites de Koufa pour avoir abandonné Husayn après l’avoir invité à se mettre à leur tête. Pour cette tradition, la mort de Husayn, comme toute sa vie du reste, est marquée par des prodiges : prémonitions, interventions angéliques, châtiment des meurtriers et, pour terminer, l’itinéraire de la tête d’al-Husayn, dont le transmetteur a dit : « Nous avons cherché la tête d’al-Husayn, mais nous ne l’avons pas trouvée, et nous n’avons pu savoir si elle avait été enlevée au ciel ou enfouie dans la terre. »
Auteur : BOHAS Georges, HELLOT-BELLIER Florence
Depuis un quart de siècle, les chrétiens irakiens quittent massivement leurs foyers. à l’instar des chrétiens de l’antique Église d’Orient et des chrétiens chaldéens, ils vivent aujourd’hui un nouvel exode, aux conséquences aussi dramatiques que celles de l’exil qui leur fut imposé lors des combats de la Première Guerre mondiale. Leur mémoire reste marquée par les massacres des années 1910-1930. Des montagnes du Hakkari ottoman aux berges du Khabour en Syrie, en passant par l’Iran et l’Irak, Georges Bohas et Florence Hellot-Bellier les interrogent pour mieux cerner les conditions de l’exode de 1915.
Les auteurs se sont laissé porter par la mélodie de deux longs poèmes, mémoire du chamacha (diacre) Sahda Pétros, de la tribu de Tchelnay. écrits en soureth, ces textes ne sont pas sans rappeler d’anciennes chroniques syriaques. Ils sont ici édités tels quels et traduits. Ils ont aussi recueilli le témoignage du chamacha Yosep Zaya de Tell Goran. Les documents rassemblés stigmatisent la fin de la coexistence de communautés de religions et de langues différentes – araméenne, syriaque, arménienne, kurde, turque, iranienne et arabe. Ils disent la douleur de la mort des enfants, de celle des femmes et des hommes, victimes de violences incontrôlées, ainsi que la détresse de l’exil et la nostalgie de la terre natale…
Chacun des narrateurs a tenté d’expliquer l’indicible, incriminant tour à tour les dissensions internes, une sorte de culpabilité collective, la proclamation du djihad, la tragique politique turque à l’égard des chrétiens et les vaines promesses des grandes puissances de l’époque. Chacun, à sa manière, a décrit l’engagement pour rester debout et pallier les malencontreuses décisions des dirigeants ou le lâche abandon des diplomates. Le souvenir des luttes des populations assyriennes, corroboré ou retouché à la lumière d’autres récits, mène à une meilleure compréhension de l’histoire à laquelle ces populations ont été mêlées. Assumer ce passé, « plutôt qu’avec passion, avec vérité et exactitude » comme le disait Raymond Aron, permettra peut-être de refonder l’avenir.
Georges Bohas, membre de l’Institut Universitaire de France, responsable de la section Arabe et langues sémitiques à l’école normale supérieure lettres et sciences humaines, a commencé en 1987 ses recherches sur la langue et la mémoire des Assyriens du Khabour.
Florence Hellot-Bellier est enseignante en histoire et membre de l’Unité mixte de recherche « Mondes iranien et indien ». Elle consacre ses recherches à l’histoire des relations extérieures de l’Iran et à celle des Iraniens chrétiens de l’Église d’Orient et de l’Église chaldéenne aux XIXe et XXe siècles.