Auteur : TOUZARD Anne-Marie
La présente monographie retrace la carrière mouvementée du drogman (interprète) Etienne Padery, initialement missionné, en 1714, par l’ambassadeur de France à Constantinople pour accompagner un envoyé persan à la cour de Louis XIV.
Après moult péripéties, cet ambassadeur, Mohammad Rezâ Beg, fut reçu en grand apparat à Versailles (19 février 1715). Un nouveau traité franco-persan, modifiant celui de 1708, avec des “provisions” plus favorables au commerce français fut signé le 13 août 1715. Louis XIV mourut peu après, le 1er septembre. C’est donc au début de la Régence que Padery fut chargé d’escorter l’encombrant Mohammad Rezâ Beg pour son retour en Perse, via la Russie. Mais après un voyage pénible, il quitta l’ambassadeur à Copenhague et rentra à Paris où il œuvra pour obtenir une mission en Perse. Une mission officielle, chargée d’obtenir la ratification du nouveau traité par la cour de Perse fut confiée à Ange de Gardane, qui s’embarqua à Marseille avec son frère François (mars 1716). De son côté, Padery s’efforçait de discréditer Gardane, qu’il jugeait incompétent, et briguait une mission en Perse afin de reprendre le projet d’alliance franco-persane pour la conquête de Mascate, ce qui aurait dû assurer la prépondérance du commerce français en Perse. Soutenu par le financier John Law - fondateur de la Compagnie perpétuelle des Indes (1719-1769) - et par le cardinal Dubois, Padery obtint du Régent une mission “secrète”.
La France était dès lors représentée en Perse par deux envoyés rivaux : Ange de Gardane, consul de France à Ispahan, et Padery, consul à Chiraz, placé sous ses ordres. C’est finalement Padery qui obtint, en 1722, la ratification du traité au moment où les Afghans envahissaient la Perse et mettaient un terme à la dynastie des Safavides, ce qui rendit immédiatement caduc ce nouveau traité. Les incessantes querelles des deux hommes donnèrent lieu à une abondante correspondance avec leurs supérieurs, ainsi qu’à la rédaction du “Compte au Roy” que Padery adressa à la cour de France dès son retour. Ces documents, conservés dans les archives diplomatiques françaises, donnent une image très vivante du caractère particulièrement complexe et ambigu de la diplomatie française de l’époque.
Basé sur une abondante utilisation des sources diplomatiques françaises, cet ouvrage constitue une version révisée de la thèse de Madame Anne-Marie Touzard, sur “Les relations franco-ottomano-persanes (1704-1725) à la lumière de la mission de Padery”, préparée sous la direction de M. Jean Calmard, et soutenue à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Sciences historiques et philologiques, Paris, Sorbonne, 1993.