Apparaissant dans un épisode presque marginal de la geste abrahamique et dans un Psaume, le personnage de Melchisédek allait connaître un destin littéraire exceptionnel à l’époque intertestamentaire et dans les premiers siècles chrétiens. Argument de démonstration de ce texte christologique majeur constitué par le chapitre septième de l’Épître aux Hébreux, élément de la controverse judéo-chrétienne des deux premiers siècles, inspirateur des courants gnostiques et hérétiques qui proliférèrent autour de la jeune Église en ses premiers siècles d’existence, Melchisédek retint, génération après génération, l’attention des Pères de l’Église avant de capter celle des iconographes et autres illustrateurs médiévaux. Mais la figure du roi-prêtre n’a cessé d’évoluer et si, au départ, il nous est présenté comme un souverain sacerdotal cananéen, à l’arrivée, le type abouti nous apparaît dans la célèbre sculpture de Reims, dite communion du chevalier, sous les traits d’un prêtre catholique latin donnant la communion à un banneret en haubert.
Le long chemin qui mène de l’un à l’autre constitue une véritable histoire de l’exégèse biblique de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge et nous invite à une enquête en amont des représentations mélchisédéciennes qui ont fleuri au XIIe siècle pour tenter de comprendre comment on est passé du roi sacerdotal de l’Écriture au Melchisédek eucharistique de la sculpture de Reims.
Bénédictin, membre de la Société Asiatique et de la Société d’Histoire Religieuse de la France, diplômé de l’Université de Strasbourg (Faculté de théologie catholique) et de l’Université de Poitiers (Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale), Lucien-Jean Bord est bibliothécaire et archiviste de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé.