Grâce à cette nouvelle édition, la Chrestomathie marocaine de Georges-Séraphin Colin (parue en 1939) est non seulement sauvée de l’oubli mais enrichie de précieux ajouts : introductions, double transcription, traduction annotée, repères bibliographiques.
L’ensemble constitue un apport considérable au patrimoine linguistique et culturel du Maroc. Nous avons affaire, en effet, à une forme du dialecte éminemment vivante, expressive, littéraire, aujourd’hui menacée de disparaître. Les textes nous font découvrir tout un éventail de genres issus de la tradition orale : contes parmi les plus représentatifs de l’aire arabe et plus largement méditerranéenne, comme telle histoire universelle venue de l’Égypte antique, telle autre commune aux Mille et Une Nuits ; des anecdotes pleines de verve décrivant la vie rurale et citadine au Maroc au siècle dernier ; des facéties de Jha dont la popularité a franchi siècles et frontières ; des fables mettant en scène une multitude d’animaux dans un monde hiérarchisé à l’image de celui des hommes ; des proverbes, des énigmes…
De nombreux contes illustrent, chacun à sa façon, l’apprentissage de la vie qui passe, sur le mode plaisant, par l’acquisition de vertus dont l’Ulysse grec avait la maîtrise : les ruses de l’intelligence.
La disposition de l’original et de la traduction en vis-à-vis permet au lecteur, s’il le désire, un accès facile et simultané aux deux textes. La traduction se veut étroitement fidèle à l’original : elle tend à en reproduire la vivacité, les images, les sonorités et, pour le plaisir du lecteur, elle « se déroule – ainsi dit le conteur – comme un long fleuve ».