Cette série est destinée à regrouper des études thématiques faisant le point sur différents aspects de l’histoire ou de la culture syriaques, celles des communautés chrétiennes dont la langue de culture est lesyriaque (maronites, syriaques catholiques et orthodoxes, assyro-chaldéens, communautés du Proche-Orient et de l’Inde…).
La langue et l’écriture syriaques constituent les marques identitaires les plus fortes, par lesquelles ces diverses communautés se définissent et autour desquelles elles se rassemblent. En même temps, la façon dont la langue syriaque est perçue et traitée au fil du temps et chez les différents auteurs est complexe et variable et nécessite une réflexion. Si certains la décrivent comme « la langue du Paradis », en l’identifiant avec la langue du premier homme, d’autres en soulignent le lien avec le grec, qui était dans l’Antiquité classique et tardive la langue de la culture et du savoir scientifique. C’est sur le modèle de la grammaire, de la rhétorique et de la logique grecques que se fondent les premières œuvres linguistiques syriaques, entre vie et viiie siècle, et l’influence de ce premier modèle perdura jusqu’au xiiie siècle.
De fait, l’influence grecque en syriaque dépasse les limites de l’imitation littéraire et concerne à la fois l’orthographe et la structure du lexique et de la syntaxe. Elle se révèle même dans la perception que certains auteurs syriaques avaient de leur langue. Nous avons là un domaine de recherche relativement récent, où l’épigraphie et les études sur le contact linguistique nous offrent des perspectives tout à fait stimulantes.
Avec la conquête islamique, les populations de langue syriaque sont confrontées aussi à la diffusion officielle de la langue arabe. Cette rencontre influe aussi sur la conception par les auteurs syriaques de la grammaire et, à partir du xie siècle, plusieurs d’entre eux s’inspirent de la théorie linguistique arabe pour structurer leurs traités, tandis que d’autres organisent la résistance. Si, dans le domaine de la syntaxe, l’arabe propose une approche et des catégories qui ont finalement été, au moins partiellement, assimilées par le syriaque, sur d’autres questions fondamentales le syriaque garda plus solidement son identité. Il suffit de rappeler qu’aucun des plus grands grammairiens syriaques du Moyen Âge n’utilise la notion de la racine trilitère dans la description de la conjugaison verbale, ni celle de la dérivation nominale ou verbale.
En dépit de l’importance du sujet pour l’appréhension de la culture syriaque, les études consacrées à l’histoire des sciences du langage sont relativement peu nombreuses. Ce volume se présente comme une première invitation à une approche interdisciplinaire de ce thème majeur, rassemblant les contributions de spécialistes de théorie grammaticale, de rhétorique, de logique, mais aussi de littérature, de linguistique comparée etc.