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Cette série est destinée à regrouper des études thématiques faisant le
point sur différents aspects de l’histoire ou de la culture syriaques,
celles des communautés chrétiennes dont la langue de culture est le
syriaque (maronites, syriaques catholiques et orthodoxes, assyro-
chaldéens, communautés du Proche-Orient et de l’Inde...).
Les sources syriaques qui nous sont parvenues émanent dans leur grande majorité des élites ecclésiastiques et savantes. Il était donc naturel que les études syriaques se focalisent d’abord sur les doctrines et les pratiques normatives promues par ces auteurs. Au sein de ce champ d’étude, une autre veine historiographique s’est concentrée sur la magie et les sciences occultes. L’adjectif « populaire », entendu dans ces deux acceptions de « répandu » et de « relatif au peuple », est appliqué ici à la notion de religion afin de proposer un autre angle de vision : à travers des textes mais aussi des fresques, des graffitis et des objets magiques, les auteurs mettent en lumière la religion d’un monde mal connu, celui des chrétiens ordinaires de tradition syriaque. Des acteurs tels que les femmes et les paysans, souvent illettrés et donc exclus de la culture ecclésiastique savante et, de ce fait, en grande partie négligés par les chercheurs contemporains, parviennent pourtant à prendre corps au fil des chapitres de ce volume. Les différents contributeurs démontrent qu’« illettré » ne signifiait pas « ignorant » et que « populaire » ne rimait pas nécessairement avec « subversif ». Un autre rapport à l’écrit, à la piété et aux pouvoirs surnaturels émerge plutôt de l’examen des sources, souvent inédites ou sous-exploitées. Enfin, des rituels parfois en marge de la liturgie des Églises institutionnelles sont étudiés ici comme certains rites funéraires, des pratiques magiques et différents aspects du culte des saints.
La multiplicité des approches et des sources convoquées offrira aux syriacisants mais aussi aux historiens et aux folkloristes spécialistes d’autres domaines une première exploration de la religion chrétienne telle qu’elle était vécue au Proche-Orient, de l’Antiquité tardive à la période ottomane. La bibliographie chrono-thématique qui clôt le volume leur permettra de s’orienter dans ces champs encore nouveaux pour les études syriaques.
Auteur : Collectif, RUANI Flavia
Le christianisme syriaque s’est construit au fil du temps au contact des principales religions de l’Asie occidentale où il évolua. Les controverses avec le judaïsme, le manichéisme, le zoroastrisme et l’islam ont profondément marqué son identité et reflètent le regard que les communautés syriaques ont porté sur les autres, les percevant comme adversaires du présent ou du passé, selon les époques et les régions. Mais la controverse est aussi au cœur de l’histoire interne des chrétientés syriaques : des discours antagonistes s’y sont développés, menant à la scission en courants qui se considéraient mutuellement comme déviants. Le cas le plus célèbre est la controverse qui opposa syro-orthodoxes et syro-orientaux, mais la littérature syriaque révèle de nombreuses autres variantes chrétiennes encore largement méconnues de ces Églises.
L’étude des controverses religieuses en monde syriaque ne relève pas seulement de la dimension proprement dogmatique et théologique, mais ouvre aussi une fenêtre unique sur l’histoire sociale et culturelle des communautés syriaques. Les controverses ont un impact institutionnel, avec la constitution d’Églises séparées ; elles ont une dimension politique, émanant de communautés minoritaires, non-impériales, à Byzance comme dans l’empire perse, puis dans le monde islamique et dans les États latins. Elles possèdent enfin une épaisseur littéraire et apologétique : défiant le cloisonnement des genres, la controverse se retrouve à tous les niveaux d’expression de la vie communautaire, incluant traités polémiques, chroniques, textes apocryphes, livres liturgiques, vies de saints et actes de martyrs, et elle a ses propres codes rhétoriques et stylistiques.
Ce volume collectif offre une vue d’ensemble à jour, inexistante par ailleurs, des controverses religieuses en syriaque, depuis les premiers siècles (IIIe-IVe s.) jusqu’au Moyen Âge (XIVe s.). Il privilégie les analyses de controverses particulières, selon une approche à la fois historique, littéraire et philologique. Les auteurs étudient la part de l’écriture dans la controverse et réfléchissent à la relation entre littérature et réalité, discours de vérité et faits historiques, en dégageant autant que possible les controverses réelles des controverses imaginées et en retraçant la réalité historique des rapports interreligieux décrits par les sources. Dans ce panorama, on voit finalement comment chaque controverse, individuelle en apparence, s’articule en fait avec une ou plusieurs autres ; comment les stratégies polémiques passent d’une cible à l’autre – les adversaires se mélangent et on accuse l’un pour viser l’autre – ; comment les accusations naissent, disparaissent, puis refont surface pour servir les propos de nouvelles controverses.
Cet ouvrage de synthèse cherche à saisir les spécificités syriaques de la controverse par rapport à d’autres traditions, tout en en relevant les emprunts et les legs, et s’adresse donc aussi bien aux syriacisants qu’aux historiens des religions de l’Asie occidentale et plus généralement à tous ceux qui s’intéressent aux débats interreligieux.