L’irruption des savoirs scientifiques européens en Égypte, à partir du règne de Muḥammad 'Alī, a largement contribué à transformer le paysage économique, socio-politique et culturel des pays arabes au XIXe siècle. Les divers projets de modernisation qui en ont résulté ont du reste été abondamment commentés par les historiens de cette époque.
Cet ouvrage tente précisément d’analyser les modes d’acclimatation, d’assimilation ou d’appropriation des nouveaux savoirs et savoir-faire, en portant l’analyse sur trois corpus principaux : les institutions, les contenus scientifiques et la reconstruction d’une langue scientifique en arabe. Fruit d’une volonté politique délibérée, la prise en charge de leur destin scientifique par les Égyptiens eux-mêmes constitue l’une des principales caractéristiques de cette période. Dans ce contexte, le patrimoine scientifique de même que les activités scientifiques et techniques traditionnelles, jouent tout au long du XIXe siècle un rôle primordial dans la légitimation de nouveaux savoirs. L’occupation britannique contribuera toutefois à briser ce processus d’appropriation et l’on assistera, à la charnière des deux siècles, à une sorte de ré-occidentalisation des sciences modernes.
Pascal Crozet est chargé de recherches au CNRS (Centre d’Histoire des Sciences et des Philosophies Arabes et Médiévales). Ses travaux touchent à la fois l’histoire des mathématiques arabes entre le ixe et le xiie siècles et l’histoire des sciences en Égypte au XIXe siècle. Ce livre est fondé sur les recherches qu’il a entreprises au cours d’un séjour de cinq années au Caire, d’abord au CEDEJ puis grâce à la bourse Michel Seurat dont il a été le lauréat en 1993.