Ce livre convie le lecteur à la rencontre d’une femme qui traverse le temps : la Sibylle. Exploration passionnante, jalonnée de surprises et d’émerveillement.
C’est d’abord sous la forme d’une voix, mystérieuse et grandiose, qu’apparaît la Sibylle proférant l’oracle. Très tôt, la voix se matérialise et se multiplie jusqu’aux confins du monde grec où sont célèbres la Persique, la Libyque, la Cumaine, d’autres encore. Partout, la Sibylle incarne la divination inspirée. À Rome et à Alexandrie, c’est sa parole écrite qui a valeur sacrée. Avec le christianisme, l’antique prêtresse d’Apollon se voit adoptée en tant que « vraie prophétesse ». Étonnante transformation ! Le rôle de la Sibylle gagne en importance au sein de l’Église médiévale, et l’art chrétien s’approprie la Sibylle païenne – faits qui, étrangement, semblent avoir été occultés par l’Histoire. Au temps de la Renaissance, la Sibylle (voire le « concert des sibylles » en son entier) opère une entrée spectaculaire et triomphante dans les églises : à Sienne par exemple, le somptueux pavement de la Cathédrale présente dix Sibylles comme messagères de la Révélation. Une vogue qui n’est pas limitée à l’Italie.
Cet ouvrage est illustré des plus belles représentations, en France et en d’autres pays, qui marquent cette période exceptionnellement féconde. Après le Concile de Trente, la figuration sibylline ne disparaît pas ; elle se transforme et s’adapte aux courants esthétiques. Toujours perçue comme la femme habitée par l’intuition des choses cachées, la Sibylle fascine et inspire peintres et sculpteurs, romanciers, poètes et musiciens. En pays catalan, le « Chant de la Sibylle » fait, encore aujourd’hui, partie de la tradition liturgique de Noël. Mais à côté de cette image dominante, tout auréolée de sacré, on trouve aussi, rarement, une Sibylle décrite comme magicienne, parfois dangereuse séductrice, parfois irascible rivale de la Vierge Marie ou fière rebelle qui fait songer à Lilith : comme si elle condensait, en une même personne dotée d’une puissance exceptionnelle, tous les traits, positifs et négatifs, de la féminité.
Micheline Galley est directeur de recherche émérite au C.N.R.S. Professeur au Maroc (1957-1960), elle entre en contact avec la tradition vivante des conteurs. Elle acquiert une formation en ethnologie et dialectologie arabe à Paris (1960-1962). Elle enseigne à la Faculté d’Alger (1962-1966) ; déjà, elle recueille, de la bouche d’une conteuse, un important corpus. Elle entre au CNRS fin 1966, comme collaboratrice de Germaine Tillion et passe un doctorat en ethnologie en 1968. Ses travaux portent sur les littératures de tradition orale, au Maghreb et plus largement dans l’aire méditerranéenne. Elle étudie à travers le conte, la poésie chantée, les récits de vie, la situation de la femme dans une société traditionnelle. Elle a publié des recueils de textes et de nombreuses études sur la Geste hilalienne.