Auteur : ROBIN Christian Julien
La langue arabe apparaît en pleine lumière après la fondation de l’Empire
musulman dont elle est la langue officielle. Si on remonte dans le temps,
elle est illustrée, au vie siècle de l’ère chrétienne, par une poignée de textes
courts en langue et en écriture arabes, qui ont été trouvés dans trois zones, le
Bilād al-Shām, l’extrême nord-ouest de la péninsule Arabique et la région de
Najrān. Pour les périodes plus anciennes, la thèse dominante est que la langue
arabe ne serait attestée que dans deux zones, le nord-ouest de la péninsule
Arabique et le Bilād al-Shām, dans des textes écrits soit en alphabet arabique
(ṣafāʾitique et ḥismāʾique) soit en alphabet araméen.
Cette dernière affirmation paraît incongrue, d’autant plus que, durant les
siècles précédant l’Islam, la carte tribale paraît relativement stable. Il semble
plus logique de supposer que de nombreuses populations en Arabie parlaient
un arabe qu’on ne sait pas reconnaître. Les inscriptions de Najrān en écriture
sudarabique et en langue sabaʾique en offrent une première illustration.
Dans le corpus du sabaʾique, quelques dizaines de textes s’écartent plus
ou moins de la norme. Ils présentent des déviances dans la phonétique, la
morphologie et le lexique, qui peuvent être interprétées comme des emprunts
à la langue arabe. Le nombre de ces déviances est relativement faible dans
tous les textes sauf un où il excède celui des caractères propres au sabaʾique.
Tous ces textes, qui proviennent d’une même zone, celle de l’oasis de Najrān,
au nord de Sabaʾ, datent d’une période relativement haute, entre 350 avant
l’ère chrétienne et 150 après l’ère chrétienne.
Dans l’analyse des inscriptions antiques, la démarche traditionnelle
consiste à isoler des ensembles de textes présentant une parenté linguistique
manifeste ; chacun de ces ensembles définit une langue. Pour Najrān, cette
démarche aboutit à l’identification de deux « langues » : un dialecte du
sabaʾique en contact avec l’arabe et une langue apparentée à l’arabe.
Cette démarche paraît inappropriée parce que la plupart des commanditaires
des textes rédigés dans ces deux « langues » appartiennent au même
groupe tribal. La variabilité linguistique des inscriptions de Najrān s’explique
plutôt par l’introduction dans la langue écrite de caractères empruntés à la
langue parlée en proportion variable. Ces caractères sont peu nombreux
dans les textes les plus formels comme les règlements ou les offrandes ; en
revanche, ils abondent dans les inscriptions funéraires dont les stipulations
et les interdictions doivent être impérativement comprises.
La langue des inscriptions de Najrān serait donc du sabaʾique écrit par une
population parlant une variété ancienne de la langue arabe que l’on peut
appeler « vieil-arabe de Najrān ».
Auteur : CHANTEAU Julien
Deus ex machina…
C’est au moyen d’un dispositif mécanique caché que surgissaient les dieux dans le théâtre grec. Une astuce dramatique qu’Aristophane raillait pour sa facilité, mais que les sciences des religions auraient tout intérêt à examiner de près. Pour le chercheur, l’analyse de la naissance des divinités dans le champ religieux consiste en effet à repérer, dans les sources achéologiques, l’entrée en scène d’une invention simple et révolutionnaire : le temple, véritable « machine à fabriquer du sacré » dont la structure, curieuse coïncidence, apparaît au Moyen-Orient au moment crucial du passage de la Préhistoire à l’Histoire.
Aussi est-il généralement admis que c’est la naissance des sociétés complexes qui a constitué le transformateur sacral donnant naissance aux premières religions polythéistes de l’Antiquité, dont les foisonnants panthéons sont le plus souvent conçus comme le reflet idéologique d’une organisation sociale de plus en plus diversifiée et hiérarchisée. Mais ne serait-on pas fondé à réexaminer ce schéma issu de l’anthropologie évolutionniste des religions pour lui adjoindre une autre thèse suivant laquelle le temple, par la manière inédite d’organiser le dialogue avec la surnature qu’il opère, serait tout autant un transformateur politique, avec pour horizon la naissance de l’état ?
S’appuyant sur l’étude des vestiges des plus anciens monuments religieux du Moyen-Orient et combinant des approches disciplinaires aussi variées que l’archéologie, l’anthropologie, la sémiologie et la médiologie, le présent ouvrage constitue une enquête sur les modalités concrètes d’apparition de ce monument-message singulier qu’est le temple et sur l’émergence des premières sacralités divines.
Auteur : Collectif, JULIEN Florence
Cette série est destinée à regrouper des études thématiques faisant le point sur différents aspects de l’histoire ou de la culture syriaques, celles des communautés chrétiennes dont la langue de culture est le syriaque (maronites, syriaques catholiques et orthodoxes, assyro-chaldéens, communautés du Proche-Orient et de l’Inde...).
Le monachisme syriaque L’histoire des communautés syriaques est intrinsèquement liée à celle du monachisme. Les plus grands écrivains, mais aussi les poètes, historiens, philosophes, grammairiens, médecins et scientifiques furent le plus souvent aussi des moines, des abbés, des évêques ou des patriarches syriaques. Leur contribution à l’histoire et à la culture du Proche et du Moyen-Orient sur plus d’un millénaire est considérable. L’institution monastique joua un rôle clef dans la transmission des savoirs, notamment de la culture grecque, vers la civilisation islamique puis vers l’Occident, contribuant éminemment à la construction des sociétés. C’est dire que la culture syriaque a été façonnée par le courant monastique, qui lui a donné sa marque, son caractère fondamentalement religieux. Les histoires monastiques, les biographies de moines célèbres, les canons et réglementations conventuelles qui nous ont été transmis révèlent l’insertion de courants chrétiens pluriels, et plus encore le façonnement d’une culture, au sein de milieux religieux très différents : païen, zoroastrien, musulman, ainsi que leur appropriation de l’héritage grec. En cherchant à transmettre l’histoire de leurs plus célèbres couvents, les auteurs syriaques ont finalement donné à voir l’organisation sociale de ce monachisme dans ses formes originales (stylitisme, réclusion…), et son impact sur les transformations des sociétés : son rôle primordial dans les débats théologiques et les grandes polémiques des VIe-VIIIe siècles, son incidence directe dans la création d’Églises séparées, mais aussi son influence majeure sur la structuration politique et sociale des communautés chrétiennes en monde islamique.
Ce volume s’adresse à tous ceux qui s’intéressent aux communautés de l’Orient chrétien de l’Antiquité tardive au Moyen-Âge, et plus généralement à l’histoire, l’anthropologie, la culture des aires proche et moyen-orientales où le monachisme s’est épanoui et constitue aujourd’hui encore un patrimoine vivant.