Il est grand temps de découvrir Gabriel Bounoure pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de lire ce grand critique littéraire et poétique qui contribua d’une manière décisive à faire connaître Char, Jacob, Jouhandeau, Jouve, Michaux, Reverdy, Rimbaud, Ségalen ou Supervielle. C’est lui aussi qui sut déceler dans le jeune Schehadé un grand poète et dramaturge d’expression française et qui contribua à faire reconnaître Jabès. Ce qui aujourd’hui distingue l’approche critique de Gabriel Bounoure c’est, au delà même de la révelation des voies neuves et inouïes de la poésie contemporaine, une “méthode” qui lui est propre et qui rend sa voie inimitable.
Haut fonctionnaire de la France à l’époque des mandats, il a su fidèlement la servir mais aussi lui résister, lorsqu'il a estimé que celle-ci s'engageait dans une voie contraire à ses propres intérêts et en contradiction avec les valeurs qui en font le renom. Rallié de la première heure à l’appel du général de Gaulle, il critique la politique arabe de la France en Afrique du Nord, dans une correspondance privée en février 1952. Publiée dans une revue égyptienne par son destinataire, sans l'autorisation de Gabriel Bounoure, il est mis dans l'obligation de se renier ou de renier son pays et, refusant de se dédire, il est démis de ses fonctions. A soixante-six ans, cet homme entame une nouvelle carrière d’enseignant aux universités du Caire et de Rabat.
Pour Gabriel Bounoure, la place centrale qu’occupe le Liban – mais aussi la Syrie – tient, d’une part à la durée de son séjour dans ces pays – de 1923 à 1952 – et, d’autre part, à ses liens anciens et affectifs avec l’Orient, celui qu’il avait découvert à travers les auteurs romantiques, Gérard de Nerval tout particulièrement. Ami et confident de Louis Massignon, sensible comme lui à cet Orient mystique et essentiel, il en gardera la nostalgie en Bretagne, à Lesconil où il se retira.
Cet ouvrage, sous la direction de Gérard D. Khoury, comprend la correspondance inédite avec Georges Schehadé, qui fait revivre leur précieuse amitié, six poèmes inédits de Gabriel Bounoure, ses textes publiés dans des revues aujourd’hui introuvables, les différentes contributions du colloque Gabriel Bounoure, entre culture et politique, tenu à Aix-en-Provence en juin 2001, des témoignages et enfin un hommage rendu à Beyrouth, cinquante ans après le départ de Gabriel Bounoure du Liban.