What is about this region which turns virtue into vice ? C’est en quelque sorte la question posée par Patrick Seale à laquelle tente de répondre cette publication en prenant acte du fait que le couple État moderne/société est, en Orient arabe plus qu’ailleurs, au centre de toutes les problématiques contemporaines.
Depuis le XIXe siècle, le système politique régional fonctionne avec l’appel à l’ingérence de puissances étrangères à travers des acteurs locaux. Comment ces acteurs extérieurs s’articulent-ils sur les configurations internes à chaque pays de l’Orient arabe ? D’autres questions concernent le patrimoine qui a prospéré, par exemple, sur une récupération politique de l’archéologie et du savoir colonial. Aujourd’hui les stratégies patrimoniales des élites et des États éclairent à la fois les usages politiques de ce patrimoine et les enjeux financiers sur le marché foncier de sa mise en valeur touristique et culturelle. La libéralisation des économies, à partir des années 1970, suivie des « ajustements structurels » des années 1980-1990, aboutissent dans tous les cas à l’aggravation d’inégalités sociales déjà criantes tandis que les classes moyennes se paupérisent. Les problèmes prévisibles de demain, comme la gestion des ressources en eau, sont marginalisés. Tensions politiques, crises socio-économiques, conséquences ouvertes des guerres et conflits successifs depuis 1948, créent le terreau de mobilisations qui puisent dans l’organisation sociale traditionnelle comme dans les mémoires et représentations collectives, la vitalité d’une revendication moderne et contestataire. Cela a pour conséquence une extraordinaire capacité d’adaptation aux contextes autoritaires.
Cet ouvrage s’attelle à toutes ces questions ; les sociétés de l’Orient arabe ne sont ni « bloquées » ni radicales, elles gèrent dans la pénurie la fracture et le ressentiment qui les séparent des régimes qui accaparent leurs États. Si les « leçons de l’histoire » ont un sens, il semble bien que les solutions aux crises, aux inégalités et aux radicalisations contestataires, dépendent tout autant des acteurs locaux de chaque pays que des actions des grandes puissances étrangères.