Auteur : Collectif, MUTAFIAN Claude
La juxtaposition des noms « Méditerranée » et « Arméniens » peut paraître artificielle quand on évalue sur une carte la distance entre l’Arménie, enclavée à l’est de l’Asie Mineure, sans façade maritime, et la Méditerranée. Pourtant, les relations entre ces deux entités ont été intenses durant plusieurs siècles. En effet, pour des raisons liées aux invasions turques en Asie Mineure et à l’arrivée des croisés au Levant, il s’est créé au xiie siècle en Cilicie, dans l’angle nord-est de la Méditerranée, face à l’île de Chypre, une principauté arménienne, officiellement érigée en 1198 en un royaume d’Arménie hors du territoire de l’Arménie historique.
Ainsi muni d’une ample façade maritime, ce royaume eut d’étroits contacts tant avec les puissances commerçantes méditerranéennes, en particulier Venise et Gênes, qu’avec l’Orient latin frontalier. Il fournit au royaume latin de Jérusalem trois reines, dont les deux premières : il était dès lors logique d’organiser dans la Ville sainte un colloque international consacré aux divers aspects de cette « Méditerranée des Arméniens ». On y traita en juillet 2009 des rapports arméno-latins au Levant, des relations du royaume avec l’ensemble de l’Orient chrétien, avec le monde musulman et avec les Mongols arrivés dans la région au xiiie siècle, sans oublier les intenses échanges artistiques et commerciaux.
Après la chute de ce royaume, en 1375, une partie de la population arménienne se maintint en Cilicie, mais il y eut également un important flux migratoire dans diverses directions, en particulier vers les rivages aux mains des Génois, familiers des Arméniens, dont la Crimée que l’on peut considérer comme un prolongement de
la Cilicie arménienne.
Les Arméniens et l’Orient latin
Les Arméniens et l’Orient non latin
Les aspects économiques
Les aspects artistiques
Auteur : Collectif, DÉDÉYAN G., RIZK K.
L’ouvrage publié ici – Le comté de Tripoli, état multi-culturel et multiconfessionnel (1102-1289) – présente une double particularité : il est le premier à faire le point sur cet état (le seul, dans l’Orient latin, à être de langue d’oc et non de langue d’oil), marqué par la présence de seigneurs du Midi de la France, depuis le livre classique de Jean Richard, Le comté de Tripoli sous la dynastie toulousaine (1102-1187), dont l’auteur a bien voulu apporter sa précieuse contribution au présent ouvrage ; par ailleurs, quelques-uns des coauteurs enseignant au Liban (Université Saint-Esprit de Kaslik, Université libanaise) ou étant spécialistes de l’Orient médiéval, l’accent est fortement mis sur le rôle des autochtones (Maronites, Syriaques melkites et jacobites, entre autres).
Cette insistance correspond bien à la nature des relations intercommunautaires dans le comté de Tripoli, du moins jusqu’aux victoires de Saladin, sultan d’égypte et de Syrie à la fin du XIIe siècle : le comté est créé par Raymond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse et marquis de Provence, qui avait participé à la Reconquista ibérique et entretenait des esclaves musulmans sur ses terres provençales. Dans le comté, dont la confrontation avec Saladin reste discrète, les combattants pratiquent plutôt la razzia (complémentaire des échanges économiques entre Tripoli et les émirats arabes riverains de l’Oronte) que la guerre. à partir du milieu du XIIIe siècle, le comté de Tripoli, associé depuis le tournant du XIIe siècle à la principauté d’Antioche sous une même dynastie, normanno-poitevine, entre docilement dans le jeu politique d’un état presque indigène : le royaume d’Arménie cilicienne.
C’est en étant attentif à cet esprit d’ouverture intercommunautaire qu’ont travaillé les Professeurs Karam Rizk (Université Saint-Esprit de Kaslik) et Gérard Dédéyan (Université Paul Valéry - Montpellier III), coordonnateurs de l’ouvrage, spécialistes, l’un, de l’histoire du Liban, l’autre, de celle de l’Arménie.
Auteur : CHEVALIER Marie-Anna
Les trois principaux ordres religieux-militaires (hospitaliers, templiers et teutoniques) s’implantèrent en Arménie cilicienne aux XIIe-XIIIe siècles et continuèrent à entretenir des relations avec les souverains de ce royaume jusqu’à la chute de celui-ci, en 1375.
Chaque ordre mena sa propre politique dans l’État arménien, s’impliquant à la fois au niveau local et international. Les frères participèrent activement à la défense du pays tant sur le plan militaire que diplomatique. Leurs commanderies, essentiellement rurales, incluaient des forteresses à des emplacements stratégiques. La structure interne de leurs bailliages d’Arménie fut relativement semblable à celle des autres bailliages orientaux. Les commandeurs se substituèrent aux seigneurs dans certaines zones et furent régulièrement présents à la cour royale, mais leur rôle auprès des dirigeants arméniens ne peut être assimilable à celui de vassaux. Les valeurs spirituelles et guerrières des frères convainquirent plusieurs rois et princes arméniens d’entrer dans la confraternité de leurs ordres et ce, malgré la désapprobation du haut clergé arménien. En dehors de ce pays, les ordres religieux-militaires entretinrent également des relations protéiformes avec les Arméniens dans les États latins du Levant.
« Autant que la connaissance des ordres eux-mêmes, c’est celle du royaume arménien toute entière qui profite de cette enquête dont on ne saurait dire toute la richesse et toute la pertinence, dans un domaine qui associe la documentation arménienne à la documentation latine et qui restait à explorer » - Jean Richard.
Marie-Anna Chevalier, chercheur associé au « Centre de Recherche et d’Étude sur les pays de la Méditerranée au Moyen Âge », (Université Paul Valéry - Montpellier III), est docteur en Histoire médiévale. Spécialiste des ordres religieux-militaires et de l’Orient chrétien, elle est l’auteur de nombreux articles, dont un recueil concernant l’implantation des ordres en Arménie a été publié en langue arménienne par l’Université d’État d’Erevan.
Auteur : Collectif, AUGÉ Isabelle , DÉDÉYAN Gérard
En partie chassés de la Grande Arménie vers les rives de la Méditerranée orientale, à la suite de la conquête turque, les Arméniens, qu’ils se soient politiquement restructurés (principautés, puis royaume d’Arménie cilicienne, seigneuries arméniennes de l’Euphratèse) ou rassemblés en communautés (urbaines ou rurales), se trouvent, à partir de la fin du XIe siècle, en contact direct avec les peuples chrétiens du Proche-Orient : Grecs de Byzance, Syriaques de diverses confessions et, derniers venus, Francs de la Croisade. Dès lors, des contacts continuels ont lieu entre les chefs de l’Église arménienne et les Latins, alors que les discussions, déjà nombreuses dans le passé, continuent avec les Grecs, mais aussi les représentants d’autres Églises orientales (jacobite, géorgienne) ; dans ce contexte, la chrétienté arménienne cherche à maintenir son identité tout en s’adaptant aux conditions du temps, c’est-à-dire d’abord à un passage de l’hégémonie byzantine à celle de l’Occident latin, puis à la montée des puissances musulmanes (Turcs saldjoûkides, Ayyoûbides, enfin Mamelouks).
Quelques points forts ressortent : l’esprit d’ouverture exceptionnel des catholicos-patriarches de la lignée des Pahlawouni, l’importance des contacts culturels (nombreuses traductions de textes, du latin, du grec, voire du syriaque vers l’arménien, et inversement), les influences réciproques, par exemple dans le cas de l’art de la miniature.
Le Congrès international « L’Église arménienne entre Grecs et Latins (fin XIe-milieu XVe siècle) » (Montpellier-12 et 13 juin 2007) a réuni une vingtaine de participants, dont quatre venus de la République d’Arménie. Les textes présentés ici abordent l’ensemble des questions évoquées plus haut, en favorisant l’approche comparatiste. Ils enrichissent ainsi l’histoire des relations interecclésiales dans l’aire proche-orientale et caucasienne.
Auteur : LUISETTO Frédéric
Frédéric Luisetto (1977-2000) étudiant à l’Université de Montpellier (celle-là même où étudia l’historien orientaliste René Grousset, de l’Académie française) de 1994 à 1999, s’était passionné, dès son enfance et au-delà, pour l’Empire des Mongols, peuple dont il admirait l’exceptionnelle vitalité et le génie stratégique. Lorsqu’il fut en Maîtrise d’Histoire, son professeur, Gérard Dédéyan dont les recherches concernent les chrétiens orientaux (et, plus particulièrement les Arméniens au Moyen Age), lui proposa de traiter leurs relations avec l’Empire mongol. Le jeune chercheur, pour rassembler l’ensemble de sa documentation, effectua un séjour en Arménie : il y étudia, à l’Université d’Etat d’Erevan, l’arménien et le russe. Sa recherche était ponctuée de rencontres et d’échanges, entre autres, avec Jean Richard, membre de l’Institut de France, éminent spécialiste de l’Orient chrétien et de l’Empire mongol. Il en résulta le travail présenté maintenant au public, sous le titre Arméniens et autres chrétiens orientaux sous la domination mongole - l’Ilkhanat de Ghâzân (1295-1303).
Cet ouvrage étudie, à partir d’un riche corpus de sources, le passage chez Ghâzân, premier souverain mongol de Perse converti à l’islam, de la persécution - contrastant avec la protection accordée jusque là aux chrétiens orientaux, nestoriens et Arméniens du royaume d’Arménie cilicienne - à la tolérance, en s’interrogeant sur les motivations réelles de l’Ilkhân : retour à la solidarité traditionnelle avec les chrétiens, ou opportunisme politique ?
La publication de cet ouvrage, en même temps qu’elle permet d’analyser les conséquences, pour les chrétiens orientaux, de la conversion de leur protecteur à l’islam, est un hommage à un jeune et talentueux chercheur, disparu accidentellement et qui aurait eu trente ans aujourd’hui. Son ouvrage inaugure la collection “Orient Chrétien Médiéval”.
Auteur : AUGÉ Isabelle
Alexis Ier Comnène accède au pouvoir en 1081, à la suite d’un coup d’état, alors que l’Empire byzantin est en crise : attaqué sur tous les fronts, notamment par les Turcs saldjoûkides en Anatolie, il voit sa superficie diminuer de façon notable. Le nouvel empereur, son fils Jean et son petit-fils Manuel mettent alors tout en œuvre pour rétablir une certaine stabilité, sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur. Pour mener à bien la reconquête des provinces orientales perdues, les Comnènes doivent composer avec les chrétiens installés là de longue date, comme les Arméniens, ou les Latins, arrivés à la faveur de la première croisade.
Dès lors, des jeux d’alliances complexes se mettent en place ; les chrétiens des différentes confessions se montrant, suivant les périodes et les rapports de force, plus ou moins enclins à s’allier, sous la houlette byzantine, pour lutter contre les musulmans.
Isabelle Augé est actuellement maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l’Université Paul Valéry-Montpellier III. Elle a soutenu, en 2000, un doctorat ès lettres, dont le présent ouvrage est une version remaniée. Ses recherches actuelles portent sur les relations arméno-byzantines, en particulier sur le plan religieux.