La France et la communauté maronite du Liban entretiennent aujourd’hui encore des relations étroites. Les raisons de cette proximité ne manquent pas : à l’identité de religion s’ajoute l’ancienneté de leurs rapports, que l’on peut faire remonter au moins au Grand Siècle. Doit-on pour autant en conclure qu’elle était inévitable et qu’elle ne doit sa vigueur qu’à la patine du temps ? Non.
Cet ouvrage vise à montrer que, loin d’être une « évidence historique », cette relation privilégiée s’est au contraire construite lors d’une période précise, en l’occurrence les années 1830-1860. Au cours de ces trois décennies, les rapports entre les Maronites et la France ont subi un véritable changement de nature tant au niveau politique que culturel.
Entre les deux anciens « partenaires » s’est alors nouée plus qu’une alliance, une réelle « amitié historique », amitié illustrée par l’adoption massive, par les premiers, de la « civilisation française », et, du côté de la seconde, par une réelle sollicitude à l’égard de ces nouveaux « Français du Levant ».
Ce rapprochement n’est pas le fruit du hasard. Il est intimement lié aux bouleversements politiques plus larges, à la même époque, du monde ottoman : en générant une instabilité chronique dans la montagne libanaise, en exacerbant les rivalités européennes, – particulièrement entre la France et l’Angleterre, dans les régions du Levant – l’évolution chaotique de l’Empire des sultans a puissamment poussé la France et les Maronites à consolider leurs liens. Loin d’être fortuite, leur amitié apparaît ainsi comme une conséquence, parmi d’autres, de la fameuse « Question d’Orient ». Une conséquence durable cependant…
Yann Bouyrat est agrégé d’histoire, docteur en histoire contemporaine et diplômé en sciences politiques. Membre du CEMMC (Centre d’Études des Mondes moderne et contemporain), il travaille depuis plusieurs années sur les relations politiques et culturelles entre la France et les régions du Levant (en particulier le Liban) à l’époque ottomane.
Illustrations : cartes couleurs, 8 pl. couleurs