Auteur : Collectif
études syriaques
Cette série est destinée à regrouper des études thématiques faisant le point sur différents aspects de l’histoire ou de la culture syriaques,
celles des communautés chrétiennes dont la langue de culture est le syriaque (maronites, syriaques catholiques et orthodoxes, assyro-
chaldéens, communautés du Proche-Orient et de l’Inde...).
À la lumière de la montée des nationalismes et des tragédies qui ont dévasté les communautés chrétiennes d’Orient au début du xxe siècle, les quatre siècles de domination ottomane qui ont précédé sont encore souvent considérés comme un âge sombre, de décadence et de répression. Ce volume, consacré aux évolutions culturelles, insiste au contraire sur le dynamisme et l’inventivité des chrétiens de tradition syriaque durant cette période.
La juxtaposition d’articles dédiés aux maronites, aux syriaques orthodoxes et aux chrétiens de l’Église de l’Est montre la grande hétérogénéité des situations entre Églises et à l’intérieur de chacune d’elles, mais fait aussi apparaître des évolutions communes. L’époque est avant tout marquée par l’influence toujours plus forte du christianisme moderne, catholique d’abord, puis également protestant. Celle-ci aboutit à des ruptures institutionnelles, avec la formation de dénominations catholiques et protestantes en compétition avec les hiérarchies traditionnelles. Mais surtout, elle amène des changements culturels profonds, avec entre autres l’introduction de l’imprimerie et la croissance de la production de manuscrits.
Dans un contexte de compétition et d’émulation, le retour à la tradition, la recherche des sources, l’appel à l’histoire, ont offert à chaque communauté confessionnelle les instruments pour justifier ses positions institutionnelles et dogmatiques respectives et ainsi renforcer la conscience de soi-même. Ces instruments étaient fournis par la nouvelle érudition européenne, à laquelle des Orientaux apportèrent leur contribution. Une culture standardisée, prenant d’avantage appui sur l’écrit, traçant plus nettement les contours de chaque dénomination, s’est ainsi progressivement mise en place.
La langue syriaque a joué un rôle dans l’éveil de cette conscience. Les nombreux ouvrages linguistiques produits durant la période révèlent à la fois l’attachement à cette langue, et son ignorance, nécessitant un apprentissage. Partout, le syriaque partage le territoire de sa pratique avec l’arabe ou avec des langues vernaculaires. Parmi celles-ci, des dialectes araméens deviennent des langues écrites et littéraires. Au xixe siècle, les enquêtes de linguistes européens, ainsi que les ouvrages et périodiques imprimés par des missionnaires protestants et catholiques, contribuent à l’émergence de formes standardisées de l’araméen moderne, instruments d’une prise de conscience ethno-politique des chrétiens de tradition syriaque.
C’est dans le même contexte et avec l’appui de l’érudition européenne que des narrations historiques, qui constituent encore de nos jours la trame des récits historiques communautaires, furent élaborées à partir du xviie siècle. Elles furent complétées au cours du xixe siècle par les apports de l’archéologie, alors en pleine expansion. Elles contribuèrent à la naissance d’aspirations nationalistes qui toutefois se virent contrariées dans les nouveaux États issus du démantèlement de l’Empire ottoman après la première guerre mondiale.