Auteur : VOGEL Claude
Enfin accessible aux étudiants des sciences humaines, une présentation d’ensemble des questions de parenté longtemps réservée aux seuls spécialistes. Parenté et alliance, systèmes unilinéaires ou indifférenciés, famille réduite et famille étendue : Ces dichotomies classiques de l’anthropologie sociale sont replacées par l’auteur dans la perspective de processus régulateurs qui modèlent les groupes locaux en même temps qu’ils redistribuent les effectifs régionaux.
Les principes de descendance ne jouent pas de la même façon à l’intérieur des sociétés unilinéaires ou indifférenciées. Lorsqu’elles sont exclusives, les solidarités de sang prennent le pas sur les associations de fait. Les solidarités bilatérales au contraire, parce qu’elles sont non-exclusives, perdent de leur force, et les groupements empiriques définis par la résidence et les solidarités conjugales prennent une place prépondérante dans le découpage des unités signifiantes de l’organisation sociale.
L’alliance prend également dans les systèmes complexes une dimension particulière. De la même façon que Lévi-Strauss soulignait le caractère inéluctablement “local” de la parenté indifférenciée, l’alliance non prescriptive ne peut pas être totalement comprise si on l’approche en termes de sang et de cycles exclusivement matrimoniaux. L’alliance est, dans ces systèmes, locale et territoriale au même titre que la parenté.
La régulation de l’espace régional et génétique est assurée par la réversibilité des processus d’élimination locale et de concentration foncière, qui permet de réintroduire des formes verticales organiques là où tend à s’instaurer synchroniquement un désordre croissant. Ce modèle qui représente une articulation bien comprise de la parenté et de l’alliance, et des deux polarisations de l’action sociale - la collectivité et la parentèle - représente globalement la clé de la compréhension des systèmes non prescriptifs.
“Voici enfin raccordés les uns aux autres sans solution de continuité les systèmes complexes aux systèmes unilinéaires glissant des uns aux autres par des formes mixtes intermédiaires. Parenté et régulation sociale m’apparaît comme l’un des ouvrages théoriques majeurs de l’anthropologie contemporaine, reposant en outre sur une ethnographie rigoureuse qui fournit leur justification aux hypothèses avancées par Claude Vogel.” Georges Condominas
Claude Vogel est instituteur, puis ethnologue et chercheur de terrain ( Madagascar, Maurice et la Réunion ). Anthopologue et sémioticien de formation, il est titulaire d’un doctorat de 3ème cycle, 1976, et d’un doctorat d’état, 1992.Assistant du département d’anthropologie à l’université Saint-Denis de la Réunion, il co-fonde l’Institut international de Multimédia à l’université Léonard de Vinci à Paris et y enseigne. Consultant international pour les systèmes experts, les sciences cognitives et l’intelligence artificielle, il est membre d’honneur de l’Association française pour l’intelligence artificielle.
Auteur : BEAUJARD Philippe
Une nouvelle histoire du continent africain est en train de s’écrire, à partir de l’étude des manuscrits rédigés sur place en arabe et dans les langues locales. Ces sources africaines de nos connaissances appellent la multiplication d’éditions critiques scientifiquement établies par des spécialistes : ainsi le lecteur peut-il disposer d’un matériau autochtone, souvent antérieur aux colonisations et à leur prisme parfois réducteur.
Forte de son expertise sur l’Afrique, l’Académie des sciences d’outre-mer, membre de l’Union académique internationale, a rejoint le programme de recherches « Fontes Historiae Africanae » créé par cette dernière. Elle lance, en 2019, avec l’aide des éditions spécialisées Geuthner, la collection sources africaines où la présente étude vient prendre place.
À la fin du XVe siècle, des musulmans d’origines diverses venus du nord-est de Madagascar s’installent à l’embouchure du fleuve Matatàña, dans le sud-est de l’île. Ils forment l’aristocratie d’un royaume dit antemoro qui se constitue au XVIe siècle. Cette aristocratie conserve jusqu’à nos jours des manuscrits écrits en caractères arabes adaptés à la langue malgache. Certains, à contenu historique, racontent des guerres ayant pour cadre le royaume antemoro aux XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cet ouvrage présente un manuscrit de l’Académie des sciences d’outre-mer de Paris (ms. HB2), qui figure en bonne place dans l’importante bibliothèque de recherche de cette Académie. Ce texte inédit est comparé à d’autres manuscrits. L’ensemble de ces écrits apporte un éclairage pénétrant et vivant sur la société antemoro ancienne. Leurs témoignages sont sans équivalent dans les sources concernant l’histoire de Madagascar.
Philippe Beaujard est ingénieur agronome, anthropologue et historien. Il est directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique, membre de l’Institut des mondes africains (IMAf). Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur Madagascar et a publié, en 2012 à Paris, Les Mondes de l’océan Indien, en deux volumes.
Auteur : PAULHAN Jean
En publiant chez Paul Geuthner, en 1913, le premier recueil de hainteny en français, Paulhan aura rendu lisible une part de la culture malgache. Il a fait de l’Émyrne (le pays où l’on voit au loin), un domaine propre mais partageable, une enseigne lointaine mais qui « faisait signe ».
Destiné aux des savants, ce livre a essaimé chez les poètes, à qui il pose la question de l’effet de leur langage. Extrêmement poétique par ses traductions, et porteur de moments narratifs très purs, il est aussi traversé par une double inquiétude, puisque les paroles qui s’y lisent auraient pu être perdues, mais que leur recueil peut à son tour être compris comme une perte. L’antiquité des hainteny est la qualité qu’on leur reconnaît le plus volontiers. Elle coïncide avec le respect de la sagesse ancestrale. Contrairement au pantoum malais, ou au haiku japonais, le mot hainteny n’est pas aujourd’hui retenu dans les dictionnaires de langue française. Qu’est-ce qu’un hainteny ? Adage ou dicton, c’est en tout cas un proverbe populaire, initialement dans le genre érotique.
Si Paulhan a retenu la thèse du caractère populaire de ces textes, leur valeur érotique a été effacée des dictionnaires ultérieurs, parce que le genre a évolué, peut-être, mais aussi parce que l’autocensure des informateurs et des collecteurs a été influencée par les missionnaires. Paulhan a le sens de la progressivité du sens. Aussi « le découvrement d’une signification n’est pas une donnée immédiate de la conscience, mais le résultat d’une “expérience du proverbe”, qui sourd au fond de “l’observation du proverbe” , quand celle-ci a été épuisée. Il est un processus rythmé par le scrupule, et régulièrement scandé par des formules ».
Le travail malgache de Paulhan reste un travail critique, qui débouche sur la dénonciation de deux illusions, celle de l’explorateur et celle du traducteur. Tout cela au fond est déjà dans le mot même de hainteny, compris comme « mots-de-science » ou « science-du-langage ». Qu’un texte soit savant, utile, éventuellement poétique, qu’il touche son destinataire, que sa fluidité soit sécable en dialogues, voilà tout le programme de la réflexion et de la vie de Jean Paulhan.